Vous allez entamer un chantier de rénovation et vous souhaitez disposer d’un moyen légal pour forcer l’entrepreneur à effectuer l’intégralité des travaux selon le cahier des charges convenu et à reprendre les éventuelles malfaçons que vous pourriez constater lors de la réception des travaux. Parmi les options mises à votre disposition, vous pensez à utiliser peut-être la retenue de garantie sur travaux mais ne connaissez pas forcément en détail son fonctionnement. Cette garantie vous permettra de conserver légalement une partie du paiement des prestations jusqu’à ce que vous puissiez constater la bonne exécution des travaux.
Cet article présente dans les grandes lignes le mode de fonctionnement d’une retenue de garantie sur travaux.
Sommaire
ToggleQu’est-ce que la retenue de garantie utilisée dans le BTP ?
Laretenue de garantie est une clause de paiement que l’on peut inclure dans un contrat de marché public ou de marché privé. Elle consiste à retenir une partie du montant total du paiement afin :
- de vous assurer que l’entrepreneur termine les travaux du projet et conformément aux directives du contrat.
- de vous protéger contre toute malfaçon, vice ou défaut constatés lors de la livraison des travaux.
Elle couvre également tout problème non apparent ou toute conséquence non identifiable au moment de la réception des travaux.
Bien que couramment appliquée dans les contrats de marchés publics ou privés, la retenue de garantie sur facture n’est pas obligatoire. Puisqu’elle ne constitue pas un principe de droit, cela signifie que vous devez donc explicitement indiquer votre intention de l’appliquer lors de la conclusion du contrat, lequel doit également préciser la durée de cette garantie. Si le contrat ne comporte aucune clause de retenue de garantie, vous ne pourrez pas réclamer son application, que ce soit en cours de réalisation des travaux ou lors de leur réception.
Pourquoi mettre en place une retenue de garantie sur travaux ?
Ce dispositif est bénéfique tant pour vous que pour l’entreprise de BTP que vous avez engagée. Elle vous assure que les travaux seront réalisés conformément au contrat et se cumule d’ailleurs avec d’autres garanties de droit commun.
Parce qu’une fois que l’entreprise a reçu la totalité du paiement, vous perdez votre levier pour l’inciter à revenir terminer les travaux. L’entreprise ne vous priorisera plus, car elle se concentrera sur d’autres projets lui rapportant de l’argent.
Par ailleurs, la retenue de garantie protège l’entreprise titulaire des travaux contre toute retenue de sommes ou d’oppositions abusives que vous pourriez effectuer à son encontre.
Quel montant est-il possible de retenir au titre de la RG ?
La mise en place d’une retenue de garantie sur travaux est encadrée par la loi n° 71-584 du 16 juillet 1971, notamment en ce qui concerne son montant.
Le calcul de la retenue de garantie
En principe, le montant de la RG ne peut pas dépasser 5 % du montant du marché total des prestations et travaux, y compris toutes modifications effectuées en cours de mission. Cette disposition légale empêche le maître d’ouvrage d’exiger un taux supérieur à ce maximum légal.
Pour la calculer, il suffit de multiplier le coût du chantier par 5 %.
Par exemple, pour des travaux de rénovation d’un montant total de
25 000 €, la retenue sera de 1 250 € (25 000 x 5 %).
La durée de la retenue
La durée de la retenue de garantie mise en place dans le cadre d’un marché privé est de maximum 12 mois à partir de la date de réception des travaux.
Si, durant cette période, vous identifiez une malfaçon ou un défaut, l’entreprise responsable devra effectuer les modifications requises. En cas de refus, elle ne pourra en principe pas récupérer le montant consigné, à condition que vous formuliez une opposition motivée au consignataire.
L’exécution de la retenue de garantie : la consignation ou la caution bancaire
La RG sur travaux doit être mise en place conformément aux dispositions de l’article 1779-3 du Code civil. Une fois le contrat conclu et accepté par les deux parties, il est nécessaire de bloquer cette somme de manière effective, ce qui peut se faire par deux moyens :
- La consignation ;
- La substitution par une caution bancaire.
La consignation
Le maître d’ouvrage doit consigner le montant de la retenue de garantie jusqu’à la livraison des travaux et la levée de toutes les réserves. Cette somme est confiée à un consignataire désigné par les parties ou, en cas de conflit, par le président du tribunal compétent (tribunal de commerce ou tribunal de grande instance). La consignation ne transfère pas la propriété des fonds, et l’entrepreneur n’aura aucun droit sur cette somme tant que la consignation ne sera pas levée.
La jurisprudence impose des sanctions en cas de défaut de consignation par le maître de l’ouvrage, notamment en libérant la RG, même en l’absence de levée des réserves. De plus, l’entrepreneur peut demander en référé que le maître de l’ouvrage soit condamné sous astreinte à procéder à cette consignation, et s’il parvient à prouver un préjudice, il a également le droit de réclamer des dommages-intérêts.
La substitution par une caution bancaire
Lorsque la consignation n’est pas matériellement possible, notamment pour les petites entreprises ayant peu de trésorerie, une alternative existe : la caution bancaire. Dans ce cas, une compagnie d’assurance ou un établissement bancaire se porte garant du maître d’ouvrage et délivre un acte de caution d’une valeur égale à la retenue de garantie.
Pour percevoir l’intégralité des montants facturés, l’entrepreneur peut souscrire une caution personnelle et solidaire. Cette démarche implique de demander à un établissement financier agréé, tel qu’une compagnie d’assurance ou une banque, de se porter garant pour le marché en question. En l’absence de réserves formulées par le client pendant la période de garantie, l’établissement est libéré de cet engagement au plus tard un mois après son expiration.
Grâce à ce mécanisme, l’entreprise bénéficiaire peut recevoir le paiement intégral de sa prestation. Toutefois, cette option n’est envisageable qu’avec l’approbation du client et entraîne des frais pour l’entreprise qu’elle pourrait en toute logique répercuter sur les devis travaux.
Le traitement comptable
La retenue de garantie doit être déduite du montant TTC, mais elle doit obligatoirement être enregistrée en HT et TVA dans les écritures comptables. Par conséquent, c’est dans l’enregistrement comptable que cette distinction doit être faite.
Habituellement, l’entreprise applique la RG uniquement sur la dernière facture d’avancement ou la facture de clôture. En pratique, elle facture seulement 95 % du coût total du projet sur votre dernière facture. Elle peut ensuite émettre une facture pour les 5 % restants un an après la livraison des travaux.
La fin de la retenue de garantie
A compter de la date de réception des travaux, la somme consignée doit être restituée dans un délai de 12 mois pour les contrats privés et de 13 mois pour les contrats publics. Cependant, si des réserves ont été émises pendant cette période, le remboursement intervient au plus tard 30 jours après la levée de ces réserves.
La demande de levée
À la fin de la période de retenue de garantie, en l’absence de tout problème constaté, le fournisseur doit adresser une demande de levée de retenue de garantie par lettre recommandée, accompagnée d’une facture. Le montant correspondant est alors versé dans un délai de 30 jours.
L’opposition du maître d’ouvrage à la levée
Conformément à l’article 2 de la loi de 1971, à l’issue d’une année à partir de la date de réception, qu’elle soit assortie de réserves ou non, les montants consignés sont versés à l’entrepreneur, même en l’absence de mainlevée, si le maître d’ouvrage n’a pas notifié au consignataire, par lettre recommandée, son opposition motivée en raison du non-respect des obligations de l’entrepreneur.
A noter que toute opposition abusive vous expose à des dommages-intérêts. En outre, les intérêts légaux sur la somme consignée commencent à courir dès la demande de versement des sommes consignées en l’absence d’opposition du maître d’ouvrage.
Par conséquent, en tant que maître d’ouvrage, vous êtes tenu de libérer les sommes consignées dans les cas suivants :
- En l’absence de réserves.
- Si les réserves ont été levées.
En l’absence d’opposition écrite du maître d’ouvrage à la libération des retenues de garantie avant l’expiration d’un an, celles-ci doivent être automatiquement libérées, même en cas de maintien des réserves.
La conservation de la RG au-delà du délai légal d’un an n’est possible que si le maître d’ouvrage s’oppose par écrit et de manière motivée à sa libération auprès du consignataire.
La Cour de Cassation a clarifié dans un arrêt du 11 janvier 2023, en réponse à une banque qui soutenait que la caution ne pouvait être mise en œuvre qu’après une réception des travaux, que d’une part, la loi ne fait pas de distinction entre une réception amiable, tacite ou judiciaire des travaux réalisés, et d’autre part, que le délai à partir duquel la caution est libérée ne peut débuter avant la date de la réception.
La retenue de garantie est-elle adaptée pour un petit chantier ?
Dans les faits, la retenue de garantie sur travaux est lourde à gérer en comptabilité, surtout dans le cadre d’un petit chantier de rénovation. Elle peut en outre s’avérer coûteuse si l’entrepreneur répercute les frais qu’elle engendre sur le devis des travaux. A la place de cette consignation, vous pouvez retenir 10 % à chaque paiement et solder ce montant à la fin en intégrant un « paiement final » d’environ 10 % dans le calendrier des paiements. Ce dernier versement sera effectué après la réception finale des travaux et une fois que vous aurez constaté la bonne exécution des travaux. Cette approche simplifie le processus tout en vous permettant d’atteindre le même objectif.
Une fois le chantier terminé, commencez par réalisez une pré-réception pour identifier ce qui doit être réparé ou terminé. Ensuite, effectuez une réception finale quelques jours plus tard pour vérifier que tous les points ont été correctement réalisés. C’est seulement à ce moment-là que vous pouvez régler les derniers 10 %.
En outre, gardez à l’esprit que même une fois la RG sur travaux libérée, cela ne signifie pas pour autant qu’aucun recours n’est possible envers l’entrepreneur après la réception du chantier. En fonction du type de travaux que vous avez entrepris, vous bénéficiez de :
- la garantie de parfait achèvement (GPA),
- la garantie de bon fonctionnement,
- la garantie décennale.
Ces garanties prennent effet à partir de la date de réception des travaux.